La Presse en parle
Placements : la martingale des fonds structurés
- Laurence Delain Vendredi 29 Novembre 2019
À l'heure où les produits à capital garanti ne rapportent plus rien, les performances affichées par les fonds structurés ont toutes les raisons de séduire… et de surprendre ! Un décryptage s'impose pour souscrire en connaissance de cause ces solutions de placement atypiques et mesurer au plus juste leur rapport rendement-risque.
Qu'ils soient commercialisés par salves régulières dans les réseaux bancaires ou conçus sur mesure pour la clientèle patrimoniale des pôles de gestion privée, les fonds structurés ont le vent en poupe. En cette période où les marchés financiers battent des records mais inquiètent et où les solutions de placements sécurisés ne protègent plus le capital de l'inflation, « ces produits permettent de saisir les opportunités de marché et de rémunérer le temps d'attente », commente Hervé Tisserand, cofondateur et directeur général d'Altaprofits.Irriguant le marché depuis plusieurs décennies dans de multiples déclinaisons, ces offres prêtent toutefois souvent à confusion et exigent de se poser les bonnes questions avant de signer.
1 Qu'est-ce qu'un fonds structuré ?
Proposés dans le cadre d'une assurance-vie, d'un contrat de capitalisation, d'un PEA ou d'un compte titres classique pendant une période de commercialisation limitée (de quelques semaines à plusieurs mois), ces supports ont pour objectif commun de restituer, à une échéance préfixée, la mise de départ de l'investisseur (nette des frais de souscription) majorée d'une performance conditionnée par l'évolution d'un indice boursier ou d'un panier de valeurs.
Pour assurer cette martingale sécurité/rentabilité, les fonds structurés s'appuient sur une mécanique complexe qui associe achats de produits de taux (composante non risquée) et prises d'options à terme pour booster la performance. Le dosage et l'efficacité de cette alchimie financière dépendent ensuite du contexte dans lequel elle est élaborée.
2 Quels sont les différents types d'offres ?
Il existe de multiples formes de fonds structurés mais aujourd'hui deux grandes familles de produits dominent le marché : ceux qui délivrent de la performance uniquement à une échéance prédéfinie et ceux dits « autocall » (rappel automatique), qui ménagent des fenêtres régulières de remboursement anticipé.
Avec des taux monétaires et obligataires passés sous la ligne de flottaison, les premiers ne garantissent pratiquement plus jamais 100 % du capital investi à terme, mais s'engagent à le protéger jusqu'à un certain seuil de baisse de leur indice de référence. En contrepartie, les gains potentiels sont plus élevés (35 % au bout 7 ans par exemple pour la gamme Double Opportunité du groupe Le Conservateur).
Les offres autocall , quant à elles, reposent sur des ventes d'options d'autant plus rentables que les places financières sont nerveuses et sources de spéculations. Résultat, les performances annoncées dépassent parfois les 6 % et les paris pris sont souvent gagnants. « Entre 2009 et le 31 octobre dernier, 46 des 78 supports de notre gamme H ont été remboursés, avec, en moyenne, une rémunération annuelle nette de frais de 8,05 % pour une durée de deux ans », indique Julien Vautel, PDG d'Hedios.
3 Quels sont les leviers de performance ?
Quel que soit le type de fonds proposé, l'effet turbo dépend principalement de quatre composantes : la durée de placement (plus l'échéance est lointaine, plus on dispose de marge pour assurer la protection du capital) ; le sous-jacent du montage ; la barrière de rappel (quand et à quel niveau de valorisation boursière s'enclenche la possibilité de remboursement anticipé) et le niveau de protection du capital.
Dans le contexte actuel, les durées initiales de placement ont tendance à s'allonger (jusqu'à 12 ans parfois) et la fréquence d'ouverture des fenêtres de rappel des fonds autocall à s'accélérer. « Le remboursement du capital majoré d'un coupon est proposé chaque semestre et non plus chaque année comme dans notre offre précédente », confirme Hervé Tisserand. Quant au seuil de baisse en deçà duquel le placement devient perdant, il s'établit en moyenne à -35 %.
4 Sur quels sous-jacents repose la structuration ?
Selon les cas, l'offre structurée prendra la forme d'un FCP (fonds commun de placement) « à formule » ou d'un EMTN (« European Medium Term Notes »), un titre de créance, assimilable juridiquement à une obligation, émis en général par une banque ou une compagnie d'assurances. Plus souple et moins coûteux à mettre en place, l'EMTN présente en revanche un risque de défaut de l'établissement émetteur.
Quant à la promesse de gain, elle peut s'arrimer à des indices « simples » (Cac 40, Euro Stoxx 50) ou « retravaillés » afin de tirer le meilleur parti d'un univers d'investissement en intégrant notamment les dividendes. Séduisants dans le principe, ces derniers sont parfois des plus complexes. En témoigne par exemple la définition de l'Euronext France Germany Leaders 50 EW Decrement 5 %, l'indice retenu dans la dernière offre d'Altaprofits qui, « constitué des 25 premières capitalisations allemandes et 25 premières capitalisations du Cac 40 […], équipondère ses composants, ce qui signifie que chaque action représente 2 % du poids global de l'indice à chaque date de rebalancement », et qui réinvestit « les dividendes nets détachés des coupons qui le composent et en retranchant un prélèvement forfaitaire de 5 % par an». A noter, CNP Patrimoine vient de lancer Pergola 90, un support qui, pour garantir en permanence 90 % de sa plus haute valeur liquidative, s'appuie sur un panier d'ETF (fonds indiciels).
5 Quels sont les frais ?
« La multiplicité des acteurs-émetteurs, 'structureurs', distributeurs impliqués dans la production de ce type de fonds, entraîne plusieurs couches de frais élevés, souvent opaques pour l'investisseur final et soustraits de la performance délivrée », observe Nicolas Cagi Nicolau, directeur général de la plate-forme patrimoniale Investisseur Privé.
Ces coûts internes, intégrés dans la formule de remboursement, « sont de l'ordre de 7 % à 10 %. Ils sont généralement prélevés en une seule fois lors du lancement du support et exprimés dans les brochures en fonction de la durée du placement. Ainsi, 0,7 %, par exemple, correspond à un total de 7 % pour un placement de dix ans », explique-t-on chez Hedios.
Le support structuré, qui ponctionne parfois des droits d'entrée supplémentaires (voire de sortie anticipée), est par ailleurs soumis aux frais (sur versement, gestion annuels) de l'enveloppe (assurance-vie, compte titres) dans laquelle il est proposé.
6 Quelle part de patrimoine financier peut-on y consacrer ?
Aussi attractifs soient-ils, les fonds structurés doivent être considérés pour ce qu'ils sont : des placements alternatifs susceptibles de se solder par une perte sèche en cours de vie ou à terme. La quote-part de capital que l'on souhaite injecter dans ce placement de diversification dépend donc avant tout de son aversion au risque, de son objectif patrimonial et de son horizon de placement. « Nous conseillons de consacrer au maximum 10 % d'un patrimoine financier à ce type de produit, sachant toutefois que, dans le cadre d'une approche réservée à une minorité de clients très fortunés, cette quote-part peut grimper sensiblement », recommande Nicolas Cagi Nicolau.
Une fiscalité à dimension variableElle dépend du cadre dans lequel le support est souscrit. S'il s'agit d'une assurance-vie, les gains capitalisés seront imposés uniquement en cas de rachat (partiel ou total) du contrat sur la base d'un prélèvement libératoire dégressif selon l'ancienneté du multisupport, auquel s'ajouteront les prélèvements sociaux. Pour les contribuables dont l'encours des contrats est supérieur à 150.000 euros (et pour les versements réalisés à compter du 27 septembre 2017), les gains relèvent de la flat tax (30 % prélèvements sociaux compris).
Si le fonds est éligible au PEA, les revenus générés seront exonérés au bout de cinq ans d'immobilisation (mais les prélèvements sociaux dus). Et s'il transite par un compte titres classique, le régime d'imposition sera celui des valeurs mobilières détenues hors PEA : prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % - dont 17,2 % de prélèvements sociaux.